L’expérience nous a montré
l’importance d’une confrontation
directe avec la réalité de la
Palestine pour amener individus et organisations
à prendre position de façon plus
construite et cohérente, mais surtout de
façon plus juste sur le conflit qui nous
oppose à l’occupant israélien. C’est la
raison pour laquelle la GUPS (Union
générale des étudiants palestiniens) a été
enthousiasmée à l’idée d’accompagner en
Palestine une douzaine de membres du
bureau national de l’UNEF (Union Nationale
des Etudiants de France). Il était
naturel pour nos organisations estudiantines
de cibler prioritairement les problématiques
liées à l’enseignement supérieur.
Cependant, nous avons insisté pour
que tous les problèmes soient abordés :
colonisation, mur, résistances, prisonniers,
destructions de maisons, discriminations
à l’égard des Palestiniens d’Israël...
Il nous est paru nécessaire que les membres
de la délégation puissent connaître et
confronter les discours d’un maximum
d’acteurs palestiniens et israéliens. Nous
avons aspiré à couvrir l’ensemble de
l’éventail politique dans les deux parties.
De Jérusalem à Hébron et de Naplouse
à Tel Aviv, nous avons pu apprécier la
variété des réalités d’une Palestine
aujourd’hui fragmentée, tronçonnée par
le Mur et un maillage administratif illisible.
Personne ne peut vraiment dire
où sont les frontières d’Israël. Les colonies
continuent de s’étendre et le drapeau
israélien flotte sur des check points qui
s’enfoncent au coeur de la Cisjordanie.
La première partie du voyage, dans les
territoires occupés en 1967, a été la plus
lourde et la plus oppressante. Comment
ne pas être frappé par la violence de la
colonisation à Hébron, et ne pas compatir
avec des étudiants de l’université
Al Qods, à Abu Dis, séparés de leur université
par un mur de huit mètres de
haut ?
Des inégalités criantes
Les rencontres dans les universités ont été
riches de découvertes et d’échanges. Nos
amis de l’UNEF ont été frappés par la
détermination des étudiants et universitaires
palestiniens à poursuivre des formations
de qualité malgré les difficultés
causées par l’occupation. A cet égard,
le contraste avec les universités israéliennes
est criant. Massivement financées
par des dons étrangers, ces dernières
offrent un climat insouciant, voire festif,
qui tend à faire oublier qu’à quelques
kilomètres de là, l’occupation poursuit sa
valse meurtrière. Les jeunesses israélienne
et palestinienne vivent ainsi séparées
par un mur, qui avant de se concrétiser
dans le béton, avait déjà ses fondations
dans les esprits. Pour les étudiants palestiniens,
il est difficile de surmonter la
représentation de l’Israélien comme colon
ou comme soldat. On pourrait attendre
des Israéliens une attitude plus ouverte,
favorisée par une vie incomparablement
plus confortable et par le fait
qu’aujourd’hui 20% de leurs concitoyens
sont palestiniens. Mais le préjugé et
l’ignorance sévissent presque irrémédiablement.
Heureusement, des Israéliens
parviennent à unir leurs forces pour
combattre ce mur de la haine et lutter, avec
les Palestiniens, contre l’occupation. Les
étudiants de l’UNEF ont pu ainsi aborder
la complexité désemparante de la
société israélienne, découvrant que les
relais potentiels pour une paix fondée
sur le droit étaient rares, voire marginaux,
à l’heure où la gauche sioniste se
compromet dans une union avec le général
Sharon, ralliée derrière le pâle étendard
du retrait unilatéral de Gaza.
Les attitudes de part et d’autre quant à
ce droit international cher à nos amis
français divergent de façon criante. La
plupart des Palestiniens s’époumonent
désespérément à revendiquer, dans la
lignée du défunt Yasser Arafat, l’application
du compromis historique que
représente le droit international. Côté
israélien on s’évertue inlassablement à
tenter de démontrer que le droit international
ne devrait pas s’appliquer à
Israël, persécuté par un monde hostile.
Après ce périple de dix jours, nous
sommes heureux d’avoir vu les membres
du bureau national de l’UNEF s’ouvrir
à la densité complexe de la situation
dans laquelle nous, jeunes Palestiniens,
sommes destinés à vivre. L’engagement
de l’UNEF désormais se pérennise sous
plusieurs formes : le soutien à la coopération
interuniversitaire franco-palestinienne
et l’appui à la GUPS dans son
action syndicale en faveur des étudiants
palestiniens de France. Nous insisterons
pour qu’au-delà de la solidarité compassionnelle,
l’UNEF profite du film en
cours de réalisation pour informer les
étudiants de France sur la situation et
contribue à ce que la solidarité politique
s’exprime pour une lutte contre la racine
du mal : l’occupation et le colonialisme
portés par le projet sioniste en Palestine.
Cependant, cette perspective reste
soumise à la réserve que des syndicalistes
de l’UNEF, acteurs politiques déjà
aguerris, acceptent un engagement pour
la Palestine coûteux, notamment dans
les sphères partisanes auxquelles certains
de ces futurs dirigeants se destinent.
Quoi qu’il en soit, cette expérience supplémentaire
de la GUPS nous encourage
à poursuivre sur notre lancée. Le
camp d’été que la GUPS organise pour
une trentaine de jeunes de France et un
nombre équivalent de Palestiniens sera
l’occasion de compléter cette action qui
consiste à construire « des Ponts au-delà
du Mur », avec des jeunes sincères et
motivés. C’est à nous de faire vivre,
ensemble, une éthique de partage et
d’enrichissement mutuel dynamique,
pérenne et sincère entre jeunesses de
France et de Palestine.
Omar Somi (GUPS)